Une couille dans le pâté
Comme disait ma grand-mère, « la vie du kangourou est pleine de rebondissements ».
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Et c’est vrai que depuis quelque temps, on entend beaucoup de conneries sur l’agriculture et les animaux. Jugez plutôt. Un brave promeneur qui passait près d’un champ a porté plainte pour maltraitance : un bovin avait les entrailles pendantes. Une nouvelle victime du gang des « mutilateurs » qui estropie les chevaux ? Aussitôt, la maréchaussée se rend sur les lieux, et découvre... un placide taureau, plutôt bien monté, mais qui, en l’occurrence, les avait bien pendantes. Chez moi, ce sont des cavaliers qui me demandent pourquoi nous fendons les sabots de nos vaches. Ou des randonneurs qui cherchent à comprendre pourquoi nous creusons des sillons dans les chemins de terre, surtout que l’écartement de 50 cm ne correspond pas à la longueur d’une enjambée et donc perturbe la marche dominicale. Quand je leur explique que c’est le pas des vaches qui transforme le chemin de terre humide en tôle ondulée, ils avouent ne pas y avoir pensé.
Cette mère s’offusquait devant les petits veaux en cabanes car ils ne pouvaient pas téter. J’avais beau argumenter que les impératifs de la production laitière ne le permettaient pas, elle insistait. Je lui demandai alors si elle avait allaité ses deux enfants. Elle me répondit en substance que les impératifs d’une mère active ne le permettaient pas... avant de s’interrompre.
Un autre me reprochait de ne pas garder les vaches improductives jusqu’à leur mort naturelle. Le citoyen a un avis sur tout (et surtout des avis), et il s’émeut de la disparition de l’agriculture de nos grands-parents. Entre le clocher de ma commune et celui de sa voisine (soit 4 kilomètres), il y avait dans les années 1980, réparties sur 12 exploitations, 420 vaches. À la fin de l’année, il en restera 60. Dans la région fougeraise, réputée pour avoir l’une des plus fortes concentrations laitières de France, la déprise est là, même si les volumes globaux restent stables. Évidemment, qui dit moins de vaches dit moins de prairies, et plus de maïs et de blé.
Un lait d’été payé 0,31 € de base chez Savencia, c’est 2,03 francs pour ceux qui ont connu cette époque, soit le même prix qu’en 1995. Les vaches de réforme à 2,75 €, c’est 18,5 francs et un veau à 80 €, c’est quatre fois moins qu’il y a trente ans. Contrairement à ce que prétend le gouvernement, la loi Égalim n’a pas permis de redresser les prix départ ferme. En revanche, l’interdiction de revente à perte permet aux GMS, par un subtil jeu de négociations et de pression sur les marques de distributeur, d’engranger plus de bénéfices qu’avant.
Des rebondissements, j’en ai connu, mais comme avec un ballon de rugby : rarement dans le bons sens. Des consommateurs exigeants qui n’y connaissent rien – même s’ils ont semblé faire un effort pendant le confinement –, retournent aux prix bas et exigent toujours plus.
Il y a une couille (de taureau) dans le pâté.
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